Les relations avec la fratrie

L'arrivée d'un petit frère dans la famille

La naissance d'un premier enfant crée la famille et la naissance d'un second enfant créée la fratrie. C'est une étape importante pour la dynamique familiale.

La littérature nous indique que les frères et sœurs dans la recherche sont les oubliés du roman familial. En effet, elle s'est d'abord intéressée à l'importance de la mère dans le développement de l'enfant puis on s'est intéressé au père et maintenant les recherches étudient depuis deux décennies les fratries et leur rôle dans le développement de l'enfant. Il semblerait qu'en matière de recherche sur la prématurité il en soit de même.

Dans le contexte d'une naissance à terme sans particularité, les relations fraternelles sont investies de sentiments intenses, ambivalents, de compétition, de culpabilité, d'envie, d'affection, d'hostilité qui vont se mêler aux représentations et vont se traduire en comportements d'attachement, en comportements éducatifs, manipulateurs, agressifs qui ont une fonction adaptative ou défensive (Scelles, 2009). L'arrivée d'un enfant est un évènement important dans la vie d'une famille dans la mesure où le rôle de chacun est soumis à d'importants remaniements identitaires. La naissance prématurée est souvent inattendue et peut être traumatisante pour les parents mais aussi pour la fratrie qui va vivre des émotions intenses. 

Importance de l'âge de la fratrie

Les réactions de l'aîné ne sont pas les mêmes pour tous les enfants, elles dépendent pour une grande part de l'âge de ce dernier à la naissance du puîné. Les effets de l'intrusion pourront être structurants sur la construction de l'aîné s'il a moins de deux ans dans la mesure où la différenciation Moi/Autrui sera facilitée (Almodovar, 1981). Cependant, entre deux et quatre ans, l'enfant qui est en train de se définir comme un individu différent d'autrui, va être gêné par la jalousie provoquée par l'intrusion fraternelle, ce qui induit une confusion Moi-Autrui.

Ce n'est que lorsque l'aîné sera capable de comprendre et de prendre en compte le point de vue de ses partenaires, qu'il va pouvoir prendre conscience de son rôle de frère aîné, et dispenser alors soins et protection à son cadet, s'identifiant ainsi à un rôle parental (Almodovar, 1981). Les auteurs d'orientation psychanalytique considèrent la relation fraternelle comme fortement dépendante de la relation avec les parents. Quel que soit son âge, l'aîné doit être assuré de l'affection de ses parents, faute de quoi une jalousie tenace risque de perturber l'ensemble des relations familiales. Il lui est difficile de comprendre que l'arrivée de son frère ou de sa sœur ne modifiera pas l'amour que lui porte ses parents.

Lien fraternel : ambivalence des sentiments

Au sein de la fratrie, des liens complexes se tissent, se croisent et s'entremêlent. Dans la course pour maintenir l'amour des parents, la rivalité est du côté des fantasmes œdipiens, quand chacun veut s'accaparer le même parent, celui de l'autre sexe que soi. La jalousie nourrit le lien fraternel, et c'est malgré elle et en même temps grâce à elle, que frères et sœurs vont forger une communauté. Les relations dans la fratrie se situent toujours de manière ambivalente entre l'amour et la haine. Trouver sa place dans la fratrie, c'est faire une autre expérience de l'autre, l'alter ego. La fratrie nous plonge dans la problématique de l'altérité : rapport à la différence, respect de l'autre, tolérance.

Ainsi, il ne va pas forcément se réjouir de l'arrivée de ce petit frère ou petite sœur et va éprouver des sentiments ambivalents emprunts de jalousie, d'envie et de haine pour certains. Pour Assoun (2003), devoir partager ses parents représente le drame de devenir grand frère. Ces sentiments sont tout à fait normaux et vont permettre la redéfinition des rôles et des places de chacun. L'aîné va également éprouver des sentiments tendres envers son petit frère et/ou sa petite sœur.

Dynamique familiale : chacun doit trouver sa place

L'arrivée d'un bébé entraîne certains réaménagements des liens entre les différents membres de la famille qui ont été amorcés lors de la grossesse mais surtout après l'accouchement lorsque le bébé est vraiment présent. Pour l'aîné la situation est excessivement complexe dans la mesure où il va devoir « renégocier » sa place dans sa famille auprès de ses parents mais surtout avec sa maman pour qui il représentait le centre du monde, de son monde.

Pour l'aîné, l'arrivée du cadet constitue une expérience particulièrement difficile car il détenait la première place, celle de l'enfant-roi, et toute l'affection et l'attention de ses parents. Il était l'unique bénéficiaire de la prodigalité parentale. Puis arrive le nouveau-né qui accapare la plus grande partie du temps, des préoccupations, des regards et des gestes de ses parents. L'aîné éprouve alors de profonds sentiments de privation, de frustration, de haine, d'abandon et d'insécurité. L'aîné va soit tenter de les cacher, s'il craint la désapprobation parentale soit les manifester ouvertement. 

L'aîné peut éprouver de la colère, de la rage contre ses parents et son puîné. Si les premiers gestes agressifs contre son frère sont réprimés, l'aîné est confirmé dans l'idée qu'il n'est plus aimé. Il est envahi par l'inquiétude et surtout la jalousie. Même si les réactions défensives à l'intrusion du nouveau-né ne deviennent perceptibles qu'après plusieurs mois, la naissance du cadet est toujours vécue par l'aîné comme une frustration, une relative perte d'amour. La frustration est double pour l'aîné. D'une part, il est privé de l'exclusivité de l'amour de ses parents, et c'est pour lui l'équivalent d'une privation totale d'amour. D'autre part, il n'a pas le droit de se décharger de la tension engendrée par cette situation. En réalité, l'agressivité de l'aîné n'est autre qu'une défense. Elle se manifeste très rarement si les parents sont attentifs et peuvent la comprendre. La plupart du temps, l'agressivité se manifeste sur des substituts tels que les poupées, les peluches ou par des mots qui sont presque toujours violents (Rufo, 2002) car ils sont l'expression directe des fantasmes, tout comme les dessins qui, la majorité du temps, montrent un cadet isolé de la représentation familiale ou volontairement gribouillé parce que « raté ».

« Il n'est pas évident de devenir le grand frère ou la grande sœur d'un bébé, souvent brailleur qui monopolise l'attention des parents » (Miollan, 1998). La naissance d'un bébé représente un bouleversement intense dans la vie des ainés : le partage des parents, de l'environnement et le sentiment d'abandon du fait de toute l'agitation autour du bébé. Quand l'ainé comprend tout ce qu'il a à perdre, c'est un véritable drame pour lui. Il utilise alors des expressions grossières pour verbaliser ses sentiments : « il est moche le bébé, j'en veux pas, quand est-ce qu'il va partir ?» ou encore « J'ai envie de le jeter à la poubelle » (Lemay, 2004).

Il n'est pas rare que l'arrivée du bébé déclenche un comportement régressif chez les ainés : sucer son pouce, faire pipi au lit, plus de progrès à l'école, besoin d'aide pour manger, s'habiller... « Le puiné est aussi celui qui accélère le processus inexorable de la séparation d'avec les parents. Il faut partager avec lui, même si l'on est petit et il faut supporter l'idée de lui concéder des gratifications dont on était le dépositaire avant son arrivée. » (Lemay, 2004).

Pour vous aider

Pour aller plus loin...

Lemay, M. (2004). Famille, qu'apportes-tu à l'enfant? Edition de l'hôpital Sainte Justine.

Miollan, C. (1998). La fratrie est un jeu d'enfant. La lettre du GRAPE n°32, groupe de recherche et d'action pour l'enfance, Edition ERES.

Rufo, M. (2002). Frères et sœurs, une maladie d'amour, Edition Fayard.

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